Une méthode de communication très utilisée en PNL s’appuie
sur les célèbres « clefs d'accès visuelles ». Selon des observations
empiriques de Grinder et Bandler cette
cartographie des mouvements oculaires en 6 positions permettrait de détecter si
notre interlocuteur pense à un stimulus acoustique, visuel, ou kinesthésique .
Et ceci selon deux modalités : pensée
remémorée , ou bien pensée construite
au moment où il nous parle. Un modèle
qui résiste au temps, en dépit de l’absence de preuves empiriques. Cette piste a
d’ailleurs même questionné les experts en psychologie criminelle : si elle
était valide , elle aiderait à détecter le mensonge, à l’œil nu ou par suivi
numérique du trajet oculaire . En effet la rotation des yeux vers la
droite est corrélée selon la PNL aux pensées construites , et la
rotation vers la gauche au rappel des souvenirs stockés en mémoire
.
Ainsi que nous l’avons déjà vu dans ce blog, quelques études ont
montré que la rotation de la pupille était corrélée à l'activité cognitive .
Mais selon la littérature expérimentale les 6 positions codifiées par la PNL selon
le modèle VAK (visuel, auditif, kinesthésique) , ne rencontrent pas d'évidence neuropsychologique robuste. La plupart des études ont
été menées dans les années 80, puis après un creux de la vague, le sujet a été
discuté à nouveau . En voici un
aperçu.
Lors de diverses expériences publiées par la revue Perceptual and Motor Skills (1980, 1985 , 1985b, 1986) des
sujets ont été invités à se rappeler des images visuelles, certains bruits ou
sensations kinesthésiques . Les tests de Ki Deux, montraient que les trajectoires oculaires ne concordaient pas avec celles que postule le
modèle VAK. Dans cette même revue (1987) une étude signée par des expérimentateurs apparemment experts
en PNL, critique ces résultats car dans la collecte des indices oculaires, ils font abstraction du profil sensoriel typique du participant . Une
autre expérience dans le numéro d’aout 88 montre que les réponses oculaires
d’un groupe d’aphasique différent de celles de sujets normaux (cf. également
sur ce blog : le regard d’évitement en schizophrénie) . La cartographie en
6 points peut à tout le moins, servir de grille d’observation fonctionnelle, à
défaut d’en partager les conclusions interprétatives.
A cette
même époque, plusieurs études dans le Journal of Counseling Psychology . La
première (1984) conclut que le mode de
représentation sensoriel VAK identifié
depuis le mouvement des yeux, ne révèle
pas dans les tests interactifs, une meilleur accordage de communication . Mais
un biais de cette étude est de tester à la fois la codification des yeux et
son application relationnelle. La seconde étude (1985) révèle l’absence de liaison entre les
positions oculaires VAK et les consignes orales
de rappel en mémoire . Par contre la troisième(1987) suggère que les indicateurs oculaires des modalités
visuelles et auditives (mais pas kinesthésiques) sont significativement
corrélés. On remarque toutefois que les juges chargés de codifier les
mouvements des yeux générés par les questions étaient des experts en PNL et non pas des « juges naifs ».
Revenons aux études actuelles, assez rares : davantage orientée sur la détection du mensonge, l’expérience du Pr Wiseman
(2012) consiste à demander à des sujets de mentir en condition A , et de dire
la vérité en condition B. Sur la base de
leur passage devant la caméra, leurs mouvements des yeux étaient codés
selon la typologie utilisée en PNL, mais
cet étiquetage ne montrait aucune concordance significative avec la
construction du mensonge. Une sous-partie de l’étude menée avec l’expert
S.Porter déroulait les interviews de presse, de personnes ayant prétendu avoir
été victimes de crime : les unes à juste titre, les autres de manière démentie par le dossier judiciaire.
A l’intérieur d’un large spectre
d’indices corporels observés parmi les menteurs, le modèle des mouvements
oculaires ne montrait pas d’efficacité prédictive.
Enfin, l’université polytechnique de Bucarest a élaboré récemment un modèle automatique de reconnaissance de la direction
des yeux en interrogeant les sujets selon le modèle VAK de la PNL. Les auteurs remarquent certaines concordances ,
mais notent surtout qu'il y a des liaisons « subtiles » entre différentes
modalités d'activité mentale et des directions
de mouvements oculaires . S’il parait assez peu probable d’objectiver un
modèle universel de type VAK, il est indéniable que certains
patterns de mouvements oculaires peuvent être remarqués de manière stable chez des personnes quand
elles se remémorent un évènement, font
du calcul mental, recherchent une date , un nom ..
En effet on remarque régulièrement en faisant passer des tests eye tracking,
que l’œil des sujets réagit différemment lors de processus
cognitifs, mais avec des régularités intrinsèques à chaque personne . En revanche lorsqu’une personne se remémore un
objet, un mouvement, ses trajets oculaires ou scanpaths ont tendance à modéliser les propriétés spatiales de ce
référent imaginaire. Enfin, selon la complexité du processus cognitif engagé par la
question de l’interviewer (ex: croisement de données mémorielles), on remarque des trajectoires oculaires plus
ou moins complexes et non réductibles à une direction spatiale.
En
résumé si le diagramme en six positions de la PNL n'a pas prouvé sa pertinence
à révéler des modes sensoriels de représentation interne, le mouvement des yeux reste un
"insight" intéressant de l’imagerie mentale . Il est d'ailleurs plus facile à
détecter à l’œil nu, que les variations de la taille de la pupille (cf. article
sur ce blog) . Ces réserves sur la
validité du modèle VAK ne remettent pas
en question le potentiel thérapeutique de la
PNL, ni son efficacité comme technique pragmatique de communication. Mais sans doute le modèle mériterait-il
d’être revisité en fonction de ce que les neurosciences nous ont appris depuis les relevés cliniques de Grinder
et Bandler .