L’écriture en tant
que geste graphomoteur , reste un domaine assez peu abordé par les chercheurs et spécialistes
en CNV . Ceci peut s’expliquer en partie
par les controverses sur la graphologie, suscitées par son
utilisation en recrutement avec en contrepartie
un faible apport en preuves empiriques, et des niveaux d’expertise
extrêmement variables des
graphologues . Un autre champ , à côté
duquel il serait dommage de passer à cause de cette difficulté , c’est celui de
l’écriture prise comme indice de la corporéité dans le contexte clinique . Les
méthodes formelles d’observation qui
ont été apportées par les tablettes digitales, permettent d’extraire des paramètres statistiquement homogènes .
L’écriture suscite ici un intérêt expérimental et diagnostic car le geste qui l’accomplit résulte de
programmes moteurs associés à des compétences cognitives , plus ou moins intactes, et d’autre part ce geste , qui est expressif,
peut signifier des tensions .
Sans aller jusqu’à la considérer comme un miroir infaillible
de l’âme, l’écriture se comporte comme un indice du corps en mouvement et elle semble d’ailleurs varier en fonction
de nos horloges biologiques : lors d’ une étude portant sur des cycles journaliers la vitesse oscillatoire de
l'écriture reflétait des variations
de 3,92 hz à 4,58 Hz selon les horaires auxquels écrivaient les
scripteurs . A un niveau plus alertant
des changements dans l’écriture peuvent être précurseurs de problèmes
neurologiques. A travers la notion générique
de lisibilité, qui reflète l’ensemble des habiletés cognitives et motrices
nécessaires à la « bonne structure graphique » on retrouve dans les tests, des
niveaux de dégradation de la planification motrice . En effet l'organisation de l'écriture suppose la synergie de mouvements balistiques
d'accélération et de freinage, soit des contrôles fins et ajustements kinesthésiques liés à une organisation somato-tonique spécifique à chacun.
Avec la maladie de Parkinson
l’écriture peut montrer des changements de direction incohérents, des
fluctuations par rapport à a la ligne de base, des ralentissements,
hésitations, tremblements et micrographies (les lettres sont de plus en plus
serrées et de plus en plus petites,
l’écriture s’aparente à un simple trait irrégulier et oscillant) . Ces
difficultés à coordonner la flexion du poignet et les mouvements des doigts
sont liés à un dysfonctionnement des noyaux gris centraux . Les patients Alzheimer montrent des
irrégularités de mouvements ou d’alignement , des dérives en sinusoïde par
rapport à la ligne de base, un
affaiblissement de la pression, des levers de plume plus fréquents, des délais
gestuels plus longs .
L’écriture du sujet dépressif reflète étroitement son ralentissement psychomoteur plus général
(gestes lents, parole ralentie, délai
cognitif, monotonie ) les tracés sont
beaucoup plus lents, avec des phases d’arrêt accompagnés de nombreuses
réinspections visuelles sur la feuille . On dispose de diverses études notamment celle de Rosenblum (université
d’Haifa) qui estime que la fidélité du diagnostic procurée par les critères de spatio-temporels
de l’écriture du dépressif et sa pression sur l’instrument, avoisine 82% .
Parmi d’autres pathologies les sujets
atteints de troubles obsessionnels compulsifs, démontrent de faibles compétences d’automatisation de
l’écriture , des pics d’accélérations du stylet plus faibles et des
irrégularités très visibles dans ces séquences d’accélération. La valeur diagnostique
de l’écriture peut même porter sur l’efficacité d’un traitement ou ses effets secondaires, ainsi il a été
montré que certaines générations d’antidépresseurs induisaient des inversions des patterns de vitesse et des
pertes d’automatismes graphiques.
En dehors des pathologies les modifications de l’écriture ont été testées en contexte émotionnel ou de stress, de mensonge, etc
. On retrouve dans cette trace des décharges motrices significatives, des
"actes manqués" , des marques différentielles de tonicité, d'expansivité, de crispation , de rythme,
désynchronisation ... En effet le mouvement oscillatoire résulte d’une
orchestration corporelle dans lequelle
sont impliqués les épaules, le coude, le poignet, les doigts , le buste,
la nuque … parfois même les jambes du
scripteur.
Pour ne citer qu’une étude récente au Japon des
étudiants devaient répondre par écrit à des questions à forte charge cognitive,
la tâche d’écrire était donc étroitement entremêlée avec la réflexion . Les profils d'accélérations (couplées à des freinages et nécessaires à l’exécution de traits
et courbes), étaient statistiquement plus irrégulièrs lors des questions
classées les plus difficiles . On relève également une large variété d’études
sur l’écriture en situation d’alcoolémie, celle des personnalités suicidaires , etc... Dans la mesure où elle n’affiche pas pour ambition de mesurer la personnalité ,
la cinématique de l’écriture offre des moyens d’investigation supplémentaires à
l’analyse du geste, une trace facilement archivable et quantifiable qui témoigne
inconstablement d’une inscription corporelle de l’esprit ou « cognition
incarnée » .
note de l'auteur: les liens vers les références sélectionnés sont par défaut d'un gris moins intense dans ce modèle de page sous Google blogger ; j'ai ajouté des italiques pour mieux les visualiser.
note de l'auteur: les liens vers les références sélectionnés sont par défaut d'un gris moins intense dans ce modèle de page sous Google blogger ; j'ai ajouté des italiques pour mieux les visualiser.