Une interview intéressante à écouter en ligne, est celle d'Antonio Damasio qui permet d'appréhender ses récentes découvertes du côté des fondements biologiques ou corporels de la conscience et des émotions . Il s'agit en effet de son dernier ouvrage "L'autre moi-même -nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions "(éd. Odile Jacob) présenté au cours de cette émission : http://www.universcience.fr/fr/conferences-du-college/programme/c/1248111427568/-/p/1248108924842/
Puis pour poursuivre la réflexion, ce point de vue critique de Jean Marie Lacrosse qui émet que l’expérimentation en neurophénoménologie , quelle que soit la présomption de pertinence absolue qui l’entoure, ne peut tout régler de la discussion autour des théories de l'esprit :
http://ceppecs.blogspot.com/2009/05/lerreur-de-damasio.html
Point de vue qui nous ramène à cette inclination parfois du neurocognitivisme à trouver insolite ou obsolète tout ce qui relève de l’inter-phénomène : intersubjectivité, interaction, émotion, interlocution, inter-personnel, expression, médiation, communication …
On relira à cet égard l’ouvrage agréablement argumenté de Jacques Cosnier *, qui commente l’origine de la « révolution » cognitiviste, née pour partie du crach du behaviorisme ayant ouvert en grand la boite noire du mentalisme . Epoque où l’émergence de l’intelligence artificielle, des méthodes high tech d’exploration du cerveau etc, semblaient impliquer pour certains , de regarder avec condescendance l’observation naturelle ou de terrain . Pour Cosnier il ne s’agit pas d’opposer l’inter -individuel de "l’intra" , dont il étaye de part et d’autre la pertinence, mais de proposer que « ni les neurosciences, ni les sciences cliniques, ni les sciences sociales ne peuvent répondre à tout ».
*http://www.decitre.fr/livres/LE-RETOUR-DE-PSYCHE.aspx/9782220042299
lundi 15 novembre 2010
mercredi 3 novembre 2010
l'entretien de recrutement sur second life , des modalités de communication plus discriminatoires ?
De plus en plus de sociétés relevant des “ grands comptes ” achètent des îles sur Second Life (SL) pour y implanter des pavillons de recrutement et procéder à des pré-sélections de candidats à des postes de haut niveau . Sur le plan des interactions cette forme de communication désincarnée redistribue bon nombre de paramètres . Rappelons que dans l’interface SL les utilisateurs utilisent un avatar animé qui est leur représentation graphique, et dont ils définissent l’apparence: âge, sexe, couleur, vêtements, bijoux, tatouages … Cet avatar peut être le plus fidèle possible à l'identité de l'internaute ou lui permettre à l'inverse de se créer une tout autre personnalité (par exemple taille, musculature, apparence ethnique... ).
L’entretien peut être individuel ou, afin de tester l’adaptation du candidat au groupe, se présenter comme une parodie des classiques entretiens collectifs. Il regroupe alors des candidats sans limite géographique ou de frontière , ce qui reproduit des commodités de la vidéoconférence (pas de frais ni de stress liés au déplacement). Un tel entretien débute avec l'arrivée de chaque candidat qui est invité a occuper un siège libre autour de la table.
Théoriquement Second Life permet à chacun de dialoguer soit par la parole, soit sous forme de dialogue au clavier (chat). Le problème des échanges oraux est que comme les utilisateurs ne se voient pas réellement (et comme leur avatar ne lève pas le doigt pour prendre la parole...), la cacophonie l’emporte généralement au niveau des tours de parole (cf. post sur ce blog du 13 avril 2009) . L’échange par chat permet une meilleure discipline des échanges. Les messages de chaque intervenant sont archivés avec son accord , ce qui permet des comparaisons de candidats a posteriori.
Intérêt de cette interface ? Pour des entretiens de groupe SL permet, par rapport a un chat classique, de pouvoir échanger dans un lieu virtuellement visualisable ce qui suggère aux candidats le sentiment d’“ être ici et ensemble ” . Pour sa part le recruteur peut organiser à sa manière les paramètres de son entretien , il peut simuler une tache en situation, lancer un jeu de rôle entre candidats ou serious game , tester leur réaction en situation d’urgence, les déplacer vers certains lieux stratégiques.. Sur le plan ergonomique, l’univers SL permet au candidat, à distance , de manipuler des objets en 3 dimensions , notamment s’il postule à un emploi d'ingénieur, graphiste, designer, paysagiste .
Mais que peut on penser des modalités de communication en dehors des a priori technophobes ou technophiles?
Les chasseurs de tête sur SL défendent que lors des entretiens collectifs les candidats se révèlent mieux sous leur vrai jour en raison de l’anonymat que leur offre l’avatar, alors qu’en temps ordinaire ils peuvent s’autocensurer (biais de désirabilité sociale ). On "se lâche" donc plus facilement déguisé en personnage fantasmatique que si on était encravaté pour un véritable entretien. Ce contexte crée une proximité assez inattendue entre le recruteur et le candidat postulant, il entretient le sentiment un peu empathique de partager une même expérience ludique et immersive . Avantage : une moins grande asymétrie des rôles, inconvénient: une baisse de l'autocontrôle qui peut conduire à lâcher des informations irréfléchies.
Compte tenu de la difficulté de converser à plusieurs par micro, l'écriture par chat se substitue donc à l'expression multimodale , qui en temps normal intègre: le contenu verbal, les composantes vocales, les impressions corporelles, les regards.... Le candidat n'a donc pas à se préoccuper de son élocution, exit le stress du face à face . Sur le plan interactif, l'écrit est plus asynchrone que la voix et offre davantage de temps pour la réflexion " ce qui neutralise les réactions spontanées" regrettent des DRH. Le niveau de langage est plus familier qu'en entretien réel, il tolère les abréviations , les phrases courtes ou nominales, .... Donc des habiletés expressives qui avantageront certains mais ne conviendront pas forcément aux candidats charismatiques à l'oral: il n'y a plus de feed back visuel corporel, l'incarnation vocale est absente, les émotions sont remplacées par des expressions faciales très basiques des avatars , ou par des smileys.
Souvent les chasseurs de tête estiment que ces nouveaux syles de recrutement occultent tous les indices de présentation , de gestuelle et d'expression caractérologique qui permettent d'évaluer l'épaisseur humaine, les affects du candidat. On cite volontiers le fait que le paraverbal recèlerait 70% du sens (en s'appuyant sur cette célèbre et bien réductrice extrapolation d'une expérience de Merhabian ... )
Mais soyons juste: le décodage à outrance du "langage corporel" comporte aussi quelque chose de normatif qui fait la part belle aux intuitions de l'évaluateur . Intuitions et projections trop souvent au détriment de la valeur intrinsèque du candidat, de son CV et des commentaires qu'il formule pendant que son apparence et ses infimes réactions sont scannées au grand complet...
Difficile en contrepartie de plaider que le postulant se révèlerait sous sa véritable identité par l'entremise de cette métaphore corporelle sensoriellement limitée qu'est l'avatar (quid de la richesse du contact humain?)
Pas facile en résumé, de jeter un jugement définitif sur ces plates formes de recrutement 'high tech' qui peuvent faire le succès des uns , alors que les autres reviendront à la case départ ... mais auront pu s'entrainer sans bourse délier .
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