Une étude publiée
par des psychologues du travail, a pour vertu de remettre en question
quelques idées reçues sur l'entretien de recrutement, qui sont
colportées par certains ouvrages, blogs et articles depuis des
décennies. L'idée force de cette littérature de kiosque est que le
candidat doit s'attendre fatalement à se faire déstabiliser par des
questions piège . Cette perspective peu engageante peut ainsi
entretenir chez lui un supplément d'anxiété . De fait , ces
croyances entretenues pour faire de l'audience, peuvent biaiser la
validité du processus de sélection en affectant la performance du
postulant face à « l'adversité » .
Mais n'assiste-t-on pas
aux mêmes craintes et croyances s'agissant des « signaux
corporels » en recrutement ? Certaines études
défendent par exemple, que les recruteurs vont se faire une
première impression selon des indices corporels dès les premières
minutes, puis chercher à conforter par la suite cette impression en retenant les
indices mis par exemple, sur le compte de l'introversion.
Du coup , l'apparence
donnée en début de l’entretien aurait un effet décisif sur la
probabilité d'être sélectionné. Admettons que fort souvent, ce sont au contraire les dernières impressions qui resteront en
mémoire d'un jury (d'où l'utilité de prévoir une belle conclusion ) . D'ailleurs les meilleurs orateurs , au début d'un conférence ou d'un émission sont plus tendus comme le montre leur mimo-gestualité.
Concernant l'impact de
l'image corporelle dans la prise de décision , un auteur pense que plus la communication
non-verbale est à l'avant plan ( persuasion , séduction) plus
elle influence les impressions du recruteur, alors que si le non
verbal est « neutre », c'est plutôt le contenu verbal qui
infléchira la sélection. Cela voudrait donc dire que moins on est
expressif, et plus on a de chances d'être jugé sur ses qualités propres . Les recruteurs ignorent généralement quel canal
d'information (verbal, non verbal) a prédominé dans leur choix. De
fait le poids respectif de ces deux sources d'information dans la
« balance » du jugement psycho-cognitif devrait être
davantage questionné.
Sur ce thème , une
étude intéressante montre l'influence des préjugés favorables
sur les interactions : les recruteurs se montraient plus agréables
dans leurs gestes et propos quand ils auditionnaient une personne
dont le dossier préalable étaient prometteur. Dans la
conduite de l' entretien , on observait qu'ils étaient plus détendus
et chaleureux avec ces candidats qu'avec les autres (voix, regard,
humour, disponibilité...). Ce qui déclenchait alors un effet en
miroir : plus ils étaient souriants, dynamiques et bienveillants
avec les personnes auditionnées et plus ces dernières étaient à
leur tour interactives et physiquement engagées dans le dialogue.
Dès lors , si
les recruteurs s'intéressent aux signes corporels des candidats, ils
devraient aussi avoir conscience de ce qu'ils induisent à partir de leurs propres postures, sourires, moues sceptiques, froncements de sourcils, bras croisés,
tapotement des doigts, etc ... En outre, la
méthode par elle même de l'entretien de sélection est
loin d'être une science exacte et présente
une faible validité méthodologique .
Autre biais dans
l'évaluation: le candidat est censé refléter son « caractère »
par des signes corporels , mimiques et postures inconscients . Mais
cette interprétation peut être faussée par le face work ou
travail de l'apparence : les coachs et leurs « règles
d'or » lui conseillent de faire davantage de sourires, des acquiescements empathiques, d'éviter les
tics , gestes-barrière etc . Les recruteurs ont ils les compétences
requises pour se livrer à un tel « test de
personnalité » en fonction de la carte de visite corporelle du
candidat ? Un DRH peut-être (selon sa formation) , mais un ingénieur en informatique pas forcément .
Il ressort cependant d'une multitude d'études que les recruteurs accordent tous de l'importance aux mêmes critères : le contact de regard, la fluidité verbale, le tonus corporel , le dynamisme vocal, une gestualité centrifuge plutôt qu'autocentrée. Entre autres expériences, il a été montré en séparant deux groupes de candidats (intro-extravertis) que 89 % des recruteurs souhaitent auditionner les plus souriants et dynamiques tandis que ceux qui évitaient le contact du regard, avaient un faible tonus et hésitaient beaucoup, n'était pas invités une deuxième fois.
Il ressort cependant d'une multitude d'études que les recruteurs accordent tous de l'importance aux mêmes critères : le contact de regard, la fluidité verbale, le tonus corporel , le dynamisme vocal, une gestualité centrifuge plutôt qu'autocentrée. Entre autres expériences, il a été montré en séparant deux groupes de candidats (intro-extravertis) que 89 % des recruteurs souhaitent auditionner les plus souriants et dynamiques tandis que ceux qui évitaient le contact du regard, avaient un faible tonus et hésitaient beaucoup, n'était pas invités une deuxième fois.
Enfin comme indiqué, la validité de l'entretien est contestée par une multitude d'études et méta-analyses. Entre
autres à cause du manque d'homogénéité des critères. On
distingue les entretiens dits structurés qui répliquent la même grille d'évaluation d'un candidat
à l'autre, et les entretiens non structurés où les questions sont plus aléatoires et peuvent dériver plus facilement . Or une étude révèle que
lors des entretiens non structurés (en quelque sorte improvisés) ,
les comportements non verbaux "à éviter" ressortent davantage que dans l'entretien structuré , plus propice au jugement
objectif .
En résumé, le comportement non verbal en entretien ne doit pas être négligé par l'évaluateur en tant qu'aide à la décision , mais il devrait être regardé avec un minimum d'expertise en évitant la sur-interprétation et le décodage profane. "Ce n'est pas en observant le postulant se gratter l'œil ou la manière dont il croise ses jambes, que vous saurez ou non, s'il fait l'affaire pour le poste" disent les auteurs d'un ouvrage cité ci-dessous.
Références
ROULIN N. BANGERTER A. (2009) La littérature de conseils : source de croyances populaires sur la relation recruteur-candidat lors de l'entretien de sélection ? texte en ligne
- ouvrage des mêmes auteurs: Réussir l'entretien d'embauche comportemental. De Boeck (2012)
T.W. DOUGHERTY et al. (1994), Confirming first impressions in the employment interview : a field study of interviewer behavior. journal of Applied Psychology, 79/5, 659-665.
NOUKOUD A. (2000) La communication non verbale dans l’entretien de sélection . Communication & Organisation N° 18
BARRIER G. (1999) L’entretien de recrutement : problèmes de validité et processus d’induction inter-acteurs . Communication et Organisation, n°14
En résumé, le comportement non verbal en entretien ne doit pas être négligé par l'évaluateur en tant qu'aide à la décision , mais il devrait être regardé avec un minimum d'expertise en évitant la sur-interprétation et le décodage profane. "Ce n'est pas en observant le postulant se gratter l'œil ou la manière dont il croise ses jambes, que vous saurez ou non, s'il fait l'affaire pour le poste" disent les auteurs d'un ouvrage cité ci-dessous.
Références
ROULIN N. BANGERTER A. (2009) La littérature de conseils : source de croyances populaires sur la relation recruteur-candidat lors de l'entretien de sélection ? texte en ligne
- ouvrage des mêmes auteurs: Réussir l'entretien d'embauche comportemental. De Boeck (2012)
T.W. DOUGHERTY et al. (1994), Confirming first impressions in the employment interview : a field study of interviewer behavior. journal of Applied Psychology, 79/5, 659-665.
NOUKOUD A. (2000) La communication non verbale dans l’entretien de sélection . Communication & Organisation N° 18
BARRIER G. (1999) L’entretien de recrutement : problèmes de validité et processus d’induction inter-acteurs . Communication et Organisation, n°14