blog proposé par Guy Barrier

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Guy Barrier, expert en communication non verbale - publications et activités: pointer la photo

lundi 12 mars 2012

La mimo-gestualité du sportif, une signalétique parlante pour son adversaire




Les jeux sportifs sont des interactions dans lesquelles l’ajustement aux intentions de l’adversaire implique une lecture des indices et mouvements corporels, parfois très éphémères , et qui interfèrent avec la production de signaux contrôlés ou manipulés. Dans leur registre respectif les basketeurs, boxeurs, tennismen, judokas, … sont des experts en communication non verbale qui analysent toutes variations d’indices chez l’adversaire: rotations de postures , intentions balistiques, orientation de regard et indices oculaires, marques d’inspiration ou de contraction musculaire annonciatrices d’un passage à la vitesse supérieure.  L’entrainement de la vision périphérique pour contrôler ce qui se passe autour suppose parfois de maintenir un axe de regard focal afin de ne pas montrer où s’exerce l’attention . La stabilité émotionnelle est un autre paramètre de performanance , diverses études dont celles de  Eysenck montrent que les individus anxieux sont plus distraits, alors que les sujets extravertis et à forte stabilité émotionnelle sont avantagées dans des activités de précision tells que le tir.

Une des études sur les jeux à gardien de but est présentée dans un ouvrage de  Nicolas Vignais,  qui a formalisé les stratégies de prise d’information visuelle du gardien de handball et mis en évidence les indices d’anticipation utilisés par celui-ci .  D’autres analyses, sur le foot-ball, ont montré que  les indices signifiants pour le gardien  ou les adversaires d’un joueur se situent au niveau de l’orientation du tronc , de la tête , de la position de la jambe motrice , de l’ouverture du genou , de la position des hanches.  Statistiquement il a été montré que plus les joueurs prennent de temps avant d’envoyer la balle et plus les gardiens doivent s’attendre à une feinte d’intention ou un changement tactique . Des tests avec eye tracking montrent aussi que  plus les joueurs sont anxieux, plus le nombre et la durée des fixations oculaires vers le gardien sont élevés (les corrélations entre réinspections et anxiété ont été montrées dans d’autres études , on parle ici de regard moins efficace , associé à une moindre   précision des tirs).
Une étude récente analysant les stratégies  du footballer face au gardien est celle de Loriane Chardonnens (université de  Genève ) .  Tout joueur dit-elle rêve de pouvoir inférer la direction du plongeon du gardien pour tirer dans la direction opposée. Elle montre ainsi  que les positionnements  du gardien par rapport à l’espace qu’il protège, relève d’une sémiologie subtile , par exemple  il peut induire des biais de perception en levant ou baissant les bras pour paraitre plus grand ou plus petit et influencer la direction des tirs ou à tout le moins brouiller les repères  spatio-visuels . Une autre hypothèse qui l’a intéressée est que  le gardien pourrait se décaler volontairement à gauche ou à droite du centre afin que l’une des deux surfaces paraisse plus grande au tireur , et ceci afin d’ infléchir la direction latérale de son tir (et se préparer à plonger du bon côté) … .
Mais durant cette étude elle a surtout effectué des analyses fines des expressions faciales associées à une certaine pression . Expressions qui accompagnent les tirs du joueur notamment lors du redouté pénalty : serrer les dents et les machoires,  passer la langue sur les lèvres, froncer les sourcils, plisser le nez, gonfler ou creuser les joues, presser, aspirer ou mordre les lèvres, Au sein de l’observation  qu’elle a menée sur des  vidéos de tirs au pénalty , deux expressions corporelles sont liées (selon le test paramétrique) à l’échec des tirs :  le fait de presser les lèvres et l’orientation du regard vers le bas durant la préparation du tir. Le premier indice (presser les lèvres) est un acte lié à un besoin d’autocontrôle face à la nervosité,  le second semble lié à la  peur de rater le tir et induit une  perte d’information potentielle  . Dans le même ordre d’idées le fait de fermer les yeux avant le tir  (anxiété, concentration, prière ?) est associé selon une  autre étude statistique, à un risque d’échec plus élevé.
Comme l'indique cette étude qui ouvre une problématique originale sur le sport et l’expression  des émotions à l’interface des sciences cognitives , diverses modalités resteraient à explorer au niveau des gestes d’autocontact des joueurs, des gestes d’intimidation,  des expressions faciales des gardiens .  Sans parler de l’ensemble des gestes conventionnels ou universels, authentiques ou théâtralisés, qui peuvent être liés aux sentiments de désaccord, de révolte, de triomphe, profonde déception, et enfin des signes de communication tacites et « idiosyncrasiques »  transmis entre les joueurs , pouvant inclure des simulacres afin d’empêcher l’adversaire de décoder correctement la séquence.