blog proposé par Guy Barrier

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Guy Barrier, expert en communication non verbale - publications et activités: pointer la photo

mardi 3 décembre 2013

geste , interprétation analogique et empathie


Parmi les auteurs des recherches scientifiques fondamentales sur les gestes, Jacques Cosnier me semble être celui qui a le plus explicitement montré que notre capacité à interpréter les  gestes ou expressions  faciales , était fortement liée à des compétences empathiques . Parlons plus spécialement du geste : lorsque nous regardons un geste technique, par exemple celui d'un sportif, d’un artiste , notre cerveau en fabriquant la représentation interne de ce geste , active des processus similaires à ceux que l'exécutant mobilise. On peut constater  la même chose à propos des gestes référentiels (avec en aval un traitement symbolique de la forme) . Ces gestes , qui peuvent être illustratifs , picto-mimiques ou iconiques,  dessinent en l’air un modèle spatial de l'objet que l'émetteur veut illustrer.

Il peut d’ailleurs s’agir de gestes sans parole (ex. du mime) ou co-verbaux (ex .d'un professeur de langue étrangère). Ce thème m’amène à revenir vers une étude durant laquelle je devais analyser par quels processus mentaux  les spectateurs d'une scène gestuelle, récupéraient l'information visuelle de ces gestes . Grâce aux caméras intelligentes eye tracking, la  micro analyse des mouvements oculaires au point par point , permet de comprendre les opérations mentales du spectateur de ces gestes.
  
Dans cet exemple l’ actrice, Emilie, explique les vertus d'un grand flacon cosmétique , les gestes iconiques délimitent la taille , le volume et le forme de cet objet. Le geste vient donc renforcer et illustrer la parole, leur fonction est référentielle. Les tracés oculaires du récepteur montrent qu’en moins de 2 secondes, il a modélisé les proportions et points extrêmes de l'objet imaginaire.



 Les cercles correspondent aux points de fixation du regard (généralement de 1/3 de seconde à une ou 2 secondes ) . Plus leur diamètre est élevé et plus la fixation oculaire est longue. 
image eye tracking, UMR 5024 cnrs

Grace aux tracés de l’eye tracking, la décomposition spatiale du parcours oculaire nous permet de reconstituer le décours temporel des opérations mentales. Autrement dit ,les points intermédiaires sur lesquels s'appuie le regard sujet spectateur pour instruire les entrées sensorielles et les points spatiaux de son travail de représentation cognitif. Le tracking oculaire de l’objet virtualisé par les mots, génère  du coté de ce spectateur, des  mouvements oculaires qui modélisent la structure et les contours d'amplitude du geste  . De façon très visible, ses trajectoires oculaires se structurent selon les propriétés spatiales de l'objet . Cette ressemblance spatiale et motrice entre le geste et la poursuite oculaire suggère que les cognitions de l’émetteur et du récepteur sont  en cohérence.   .

On pressent bien ici une forme d’empathie cognitive, puisque les sujets qui regardent le geste internalisent la figure visible et reconstituent le « vouloir dire » de l’émetteur.  Au final, émetteur et récepteur , dans une subjectivité partagée, développent un processus homologue :
-  l'émetteur en parlant s'appuie sur des repères spatiaux et moteurs pour générer des gestes analogues à l'objet          
- le récepteur reconstitue une carte de la réalité grâce à la "représentation graphique" que lui fournissent les contours du tracé gestuel dans l'espace. 

Un exemple d'expérience qui invite à approfondir la fonction des neurones miroir et de l'empathie dans la communication symbolique.