blog proposé par Guy Barrier

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Guy Barrier, expert en communication non verbale - publications et activités: pointer la photo

samedi 20 avril 2013

Un nouvel avatar de l’affective computing - Sim Sensei le psy virtuel



Plusieurs articles ont déjà été consacrés  dans ce blog  à ces  personnages virtuels qui sont capables de dialoguer avec nous de façon  verbale et non verbale. Ces interfaces  soulèvent tout de même quelques problèmes communicationnels  bien qu’elles soient en mesure de gérer  « de manière autonome » certains scénarios d’interactions.  Par exemple en enseignement à distance il a été montré qu’une forme de transfert  s’effectue vers les compagnons pédagogiques animés  ( on qualifie de persona effect,  ce transfert dirigé vers un avatar graphique parlant qui peut coacher un élève). 
Mais  la réflexion  critique ne devrait pas s’estomper  : en effet  les domaines où la présence d’humanoïdes paraitrait incongru  semblent se raréfier   (on pense aux agents conversationnels de compagnie , aux robots soignants développés par une université japonaise etc...)  Le revers de la médaille de l’affective computing , sans lequel n’auraient jamais été financés certaines études sur les émotions et la multimodalité , est d’entretenir une certaine idéologie du « tout modélisable »  dans le champ de la corporéité expressive.

A ce titre, une nouvelle étape dans la modélisation des âmes a été  franchie puisque de nouveaux « psychologues  virtuels » exploitent des procédés de reconnaissance  des émotions et de codification formelle du non verbal. Elaboré par l’Institute for Creative Technologies, le programme   Sim Sensei   se sert de la technologie de la console ludique Kinect afin  de détecter  les signes de dépression chez une  personne, voire même " ses tendances suicidaires". En tous cas disent ses fondateurs (légèrement plus pondérés que la presse de vulgarisation scientifique) ce peut être une aide à la décision en la matière .

De quelle manière fonctionne Sim Sensei  ? La psychologue virtuelle pose des questions et les différents capteurs analysent de manière « multimodale » tous les comportements révélateurs d’une dépression : les expressions du visage (sourires, émotions, contractions…), les mouvements des yeux (taux de contact avec l’interviewer, flexion vers le bas, détournement latéral ou averted gaze) la posture (avancées, retrait), les paramètres prosodiques de la voix , la motricité et la façon de  bouger  (on sait par exemple grâce à la recherche clinique que le sujet dépressif  subit un ralentissement expressif, qu’il montre une faible expansivité et diversité gestuelle mais ceci parmi un spectre bien plus large de critères .  Autrement dit , un ensemble de paramètres révélés par des décennies d’études cliniques, ont été implémentés dans ce système expert d’allure biométrique .

Que celui-ci serve d’aide au diagnostic pourquoi pas, si tel psychologue n’est pas en mesure d’apercevoir un battement de pieds sous la table. Mais les processus non verbaux, aussi subtils et complexes que ceux d’une cellule, ne peuvent être systématiquement rabattus sur des règles heuristiques . Expérimenter les états mentaux d’autrui suppose une sensibilité spéciale qui permet à l’homme de l’art de capter des instants éphémères de brillance du regard,  de brèves inspirations spasmodiques, de tressaillement de sourcils , de tremblement léger dans la voix et mille autres micro-changements acoustiques, olfactifs, kinésthésiques qui ne laissent pas modéliser. Autant d'indices qualitatifs infinitésimaux qui ne sont pas toujours visibles, capturables ou  traduisibles en degrés d’intensité...  d’autant qu’ils sont induits par une subjectivité partagée entre les deux acteurs  perpétuellement en ajustements mutuels . Mais à cet égard le psy virtuel n’est pas totalement démuni puisque apprend-on, il peut retourner des feed back empathiques d’acquiescement inconditionnel pour encourager le patient à aller plus loin…