Plusieurs articles ont déjà été consacrés dans ce blog
à ces personnages virtuels qui
sont capables de dialoguer avec nous de façon verbale et non verbale. Ces interfaces soulèvent tout de même quelques problèmes communicationnels
bien qu’elles soient en mesure de gérer « de
manière autonome » certains scénarios d’interactions. Par exemple en enseignement à distance il a
été montré qu’une forme de transfert
s’effectue vers les compagnons pédagogiques animés ( on qualifie de persona effect, ce transfert dirigé vers un avatar graphique parlant
qui peut coacher un élève).
Mais la
réflexion critique ne devrait pas
s’estomper : en effet les domaines où
la présence d’humanoïdes paraitrait incongru semblent se raréfier (on
pense aux agents conversationnels de compagnie , aux robots soignants
développés par une université japonaise etc...) Le revers de la médaille de l’affective
computing , sans lequel n’auraient jamais été financés certaines études sur les
émotions et la multimodalité , est d’entretenir une certaine idéologie du « tout
modélisable » dans le champ de la
corporéité expressive.
A ce titre, une nouvelle étape dans la modélisation
des âmes a été franchie puisque de
nouveaux « psychologues virtuels »
exploitent des procédés de reconnaissance des émotions et de codification formelle du
non verbal. Elaboré par l’Institute for Creative Technologies, le programme Sim Sensei se sert de la technologie de la console ludique
Kinect
afin de détecter les signes de dépression chez une personne, voire même " ses tendances
suicidaires". En tous cas disent ses fondateurs (légèrement plus pondérés que
la presse de vulgarisation scientifique) ce peut être une aide à la décision en
la matière .
De quelle manière fonctionne Sim Sensei ? La psychologue virtuelle pose des questions et les différents capteurs analysent de manière « multimodale » tous les comportements révélateurs d’une dépression : les expressions du visage (sourires, émotions, contractions…), les mouvements des yeux (taux de contact avec l’interviewer, flexion vers le bas, détournement latéral ou averted gaze) la posture (avancées, retrait), les paramètres prosodiques de la voix , la motricité et la façon de bouger (on sait par exemple grâce à la recherche clinique que le sujet dépressif subit un ralentissement expressif, qu’il montre une faible expansivité et diversité gestuelle mais ceci parmi un spectre bien plus large de critères . Autrement dit , un ensemble de paramètres révélés par des décennies d’études cliniques, ont été implémentés dans ce système expert d’allure biométrique .
Que celui-ci serve d’aide au diagnostic
pourquoi pas, si tel psychologue n’est pas en mesure d’apercevoir un battement de pieds sous la table. Mais les processus non verbaux, aussi subtils et
complexes que ceux d’une cellule, ne peuvent être systématiquement rabattus sur
des règles heuristiques . Expérimenter les états mentaux d’autrui suppose une
sensibilité spéciale qui permet à l’homme de l’art de capter des instants
éphémères de brillance du regard, de brèves
inspirations spasmodiques, de tressaillement de sourcils , de tremblement léger
dans la voix et mille autres micro-changements acoustiques, olfactifs,
kinésthésiques qui ne laissent pas modéliser. Autant d'indices qualitatifs infinitésimaux qui ne sont pas toujours visibles, capturables ou traduisibles en degrés d’intensité... d’autant qu’ils
sont induits par une subjectivité partagée entre les deux acteurs perpétuellement en ajustements mutuels . Mais à
cet égard le psy virtuel n’est pas totalement démuni puisque apprend-on, il peut
retourner des feed back empathiques d’acquiescement inconditionnel pour encourager
le patient à aller plus loin…